Carnets de voyage - Tchad

Publié le par Youki

[Je laisse ci-dessous sans les modifier mes premiers ressentis de ma vie à N'Djamena. Aujourd'hui, après 9 mois d'expériences intenses, difficiles parfois, mais si enrchissantes, je puis compléter, affiner et aggrandir ce tableau, ce que j'espère faire dans un futur article.]

 

Samedi 25 octobre 2014, dans ma chambre de la guest house d’Oxfam Intermon à N’Djamena

 

La nuit est tombée depuis longtemps déjà, les lumières jouent à cache cache suivant l’humeur de la tension électrique trop faible pour soutenir les néons et la clim. Mais comment choisir, vraiment ? Sans clim il ferait bien 30 degrés. Sans néons, pas d’alternative lumineuse. J’ai bien mangé à la lueur des lumières extérieures sous lesquelles s’abritent les gardiens et chauffeurs, mais pour lire au lit, c’est plus compliqué. Au travail, on se retrouve dans une ambiance un peu glauque à la Titanic, les néons qui grésillent, nos écrans d’ordinateurs comme seuls sources éclairant nos visages fatigués. Mais il faut rester encore, trop de choses à faire, et il n’y a pas internet à la maison…

 

Je me sens comme une princesse ici, à plusieurs titres. Déjà, les volutes de la moustiquaire qui encadre mon lit me rappellent les lits à baldaquins dont je rêvais enfant. Les premières nuits j’ai dormi avec. Parce qu’on m’a rabâché, c’est l’Afrique, le palu, prend toutes les précautions blabla. Et puis j’aimais cette impression de cocon dans lequel je peux me blottir. Et puis, j’ai bien vu qu’il n’y a aucun moustique à l’intérieur de la maison la nuit (à l’extérieur c’est une autre histoire !), et le cocon à présent ne fonctionne plus et ne me protège plus des pensées qui tournent dans ma tête m’empêchant de m’endormir. Je me sens surtout comme une princesse enfermée dans son château, du haut duquel elle soupire en admirant la vue, la vie alentour, sans pouvoir sortir de ses murs fatigués de soleil. Car les restrictions de déplacement sont fortes, et j’avoue avoir pour l’instant un peu peur aussi de m’aventurer seule dans le quartier, d’autant plus qu’un dilemme s’impose : si je veux éviter le soleil de plomb écrasant ma tête la journée, il me faut soit sortir la nuit, à la merci des moustiques et autres dangers nocturnes, soit me lever aux aurores. J’espère trouver le courage pour emprunter cette deuxième option et, ainsi, me rendre à pied au travail par exemple.

 

Enfin, la semaine est passée, à la fois si vite et si longue, remplie de travail, d’apprentissage, d’essais, mais aussi de vide et de solitude. Car les soirs je me retrouvais vite seule dans ma chambre, à travailler puis dormir, et cet après midi fut une longue lutte contre le temps que j’ai bien failli perdre. J’ai trouvé en un des gardiens un compagnon de jeu de scrabble, et maintenant j’attends la fameuse soirée MSF qui, peut être, me sauvera en m’apportant de nouvelles rencontres qui empliront mes semaines à venir. Petit à petit, je découvre de nouveaux lieux où sortir, un bar, un restaurant, une boulangerie. Des lieux d’expats, des humanitaires, businessmen, et beaucoup de soldats français et leur famille. Ce que j’apprécie énormément à Oxfam c’est que nous ne sommes que trois blancs européens dans toute la mission, y compris les expats, qui viennent presque tous d’autres pays d’Afrique. Alors j’écoute leurs conversations sur la politique africaine, les enjeux de développement dans les autres pays. D’autant plus qu’ils ont travaillé dans de nombreux autres pays avant, ils sont une mine d’informations.

 

Je ne parle pas du Tchad, mais c’est que je ne peux pas en dire grand-chose pour le moment, j’ai seulement regardé depuis ma maison, depuis la voiture qui nous emmène au bureau. C’est l’Afrique, c’est vraiment tout bêtement ce que l’on veut dire, comme me le répétait la responsable RH à Barcelone, et je ne comprenais pas, trouvais cela ridicule. C’est qu’en fait ça correspond beaucoup aux clichés que l’on porte sur l’Afrique : les chemins de terre sales et chaotiques, les enfants qui jouent au ballon, des chèvres maigres, des poules dans les coins. Des petits vendeurs à chaque coin de rue, de tout, de rien. Et les hommes en djellaba blanche, turban et lunettes de soleil sur leur mobylette, c’est trop classe ça. La maison au confort spartiate, tout un peu cabossé, réparé mille fois, mais propre. La chaleur, les plantes et les insectes énormes et étranges, l’odeur de terre, le sable et la poussière. Les panneaux de publicité jaunis par le soleil et blancs de poussière au bord des routes. Mais il y a si peu de trafic, c’est fou. L’armée est très présente. Et, dans les coins d’expats et de riches (vu les prix) où l’on sort, on voit des filles tout apprêtées aux mini jupes serrées accompagnant de vieux hommes blancs. Entre autres.

 

De l'autre côté, la rue, puis un petit bidonville où s'entassent nombre d'enfants jouant au football - pour les garçons, les filles ramassent du bois, courent avec leur voile léger, cherchent l'eau. La petite maison est une madrasa où les enfants chantent le coran chaque jour.

De l'autre côté, la rue, puis un petit bidonville où s'entassent nombre d'enfants jouant au football - pour les garçons, les filles ramassent du bois, courent avec leur voile léger, cherchent l'eau. La petite maison est une madrasa où les enfants chantent le coran chaque jour.

Publié dans La voyageuse

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
P
Lovely writing Lucie xx
Répondre
Y
Thank you Pippa!
J
C'était difficile les premiers jours, je vois. Aujourd'hui, si tu devais réecrire cette page, que changerais-tu?
Répondre
Y
Ce sera l'objet de futurs articles :)